The Square de Ruben Östlund

Ah le festival de Cannes… Sa semaine de la critique, son circuit Hors compétition, sa sélection Un Certain Regard, qui nous livrent chaque année des films passionnants et qui ont su célébrer nos films favoris.
Mais quand je disais à ma sœur que j’allais voir la Palme d’or de cette année, elle m’a fait une remarque cinglante.
« J’ai regardé la bande annonce de The Square, j’ai rien compris. De toute façon à partir du moment où je vois le logo du festival de Cannes imposé sur un film je me barre en courant. »

À chaque fois que je parle du festival de Cannes à cette sœur elle me dit toujours que les films qui y passent sont des films d’auteurs chiants.
Je lui rétorque toujours par un systématique mais pas moins efficace « Oui mais Pulp Fiction« … (PS: Je ferai mieux de lui parler de La vie est belle en fait)

Alors qu’en réalité Pulp Fiction reste un film d’auteur, c’est juste qu’il est un peu plus rock’n’roll que ce que l’on catégorise sous la bannière du « cinéma d’auteur ».
Et les remarques de ma sœur m’ont fait réaliser quelque chose.
Il y’a deux sortes de facettes à ce festoche.

J’ai l’impression que lorsque l’ont parle du festival de Cannes les gens ordinaires et peu cinéphiles pensent aux films étrangers, faits par des auteurs clandestins qu’on oubliera dans l’année qui suit.
Et puis quand on parle du festival de Cannes à des gens un tant soit peu cinéphiles, ils ne voient plus que les grands qui sont passés par là: Tarantino, Scorcese, les Coppola, les Coen, Dolan, etc…
Quitte à occulter les films qui ne sont pas restés a posteriori dans la tête des cinéphiles.

Alors qu’en est-il de The Square ? Est-ce un film étranger un peu osef, ou est-ce que ça va être une oeuvre qui restera dans les mentalités ?

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(Durant tout le film: les gens qui créeront véritablement les différentes
œuvres ne seront pas les artistes eux mêmes.
Ici un ouvrier qui fabrique le fameux « The Square » mais aussi plus tard;
Christian dictant une lettre à un de ces subalternes)

The Square ça raconte donc l’histoire de Christian qui travaille dans un musée d’art contemporain à Stockholm. C’est un gars plutôt lâche et peureux, mégalo, hypocrite, matérialiste sur les bords… Enfin bref un bon gars en somme.
Il dirige les différentes exposition que propose le musée, et la dernière en date s’intitule The Square, un manifeste proutprout prônant l’altruisme, la bienveillance et tout un tas d’âneries de ce genre.

Ensuite il est plutôt difficile de résumer le film. Parce que son scénario est plutôt vide.

Pas dans le sens où il ne se passe jamais rien dans le film et qu’on s’ennuie, mais plutôt dans le sens où le film est très quotidien. On a parfois la sensation que c’est une série d’anecdotes qui nous sont racontés plutôt qu’une réelle histoire. En dehors du fil rouge dans le film, qui a en réalité rien à voir avec l’activité principale du personnage que nous suivons.

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(Cette scène par exemple: même s’il est plutôt marrante, elle n’impacte
en rien le reste du film)

Bon alors c’est bien beau tout ça vous allez me dire, mais je n’ai toujours pas abordé ce qu’était le film en substance: C’est quoi ? Une comédie ? Un drame ? Une satire ?

En fait c’est un peu les trois. C’est surtout une critique des milieux artistiques et intellos; qui nous montre à quel point dans cet environnement là personne ne s’écoute, et combien il est dur d’y communiquer.
Le personnage de Christian est là pour mettre en exergue tout le paradoxe de ces bourgeois. C’est lui qu’on va suivre pendant la presque totalité du film, en dehors de certaines scènes.

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(Cette scène vraiment cool où l’ont prévient les bourgeois
qu’ils feront face à une prestation qui leurs feront peur,
qui décident d’en rire, et lorsque la peur vient véritablement
ils se rebiffent. Ils demandent un divertissement et c’est ce qu’ils ont.
Ils ne s’attendaient juste pas à un tel degré de subversion.)

C’est un imposteur dès la scène d’ouverture où on lui balance à la figure des théorisations fumistes de ce qu’est l’art qu’il aurait lui même émit, mais dont il ne comprend pas un seul mot.
Il est peureux lorsqu’il est dans ce bâtiment d’un quartier populaire de Stockholm à faire du « porte à porte ».
Ce qui donne une réelle dimension satirique au film, un poil théâtrale: la satire naît du personnage de Christian. Et ça déplaira à beaucoup. Parce que ça reste vachement paradoxal.

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(La dite scène d’ouverture qui donne le ton du film)

Les gens qui vont voir le film ce sont les gens un poil intellos, qui s’intéressent au festival de Cannes et aux films étrangers. Le genre de personnes que le film critique justement.
Et il ne s’adresse pas à une démographie populaire et/ou populiste parce que ça reste un film plutôt implicite et élitiste.

Trop explicite pour les bourgeois, trop implicite pour les milieux un peu plus populaires; aller voir The Square c’est avant tout assister à un putain de numéro d’équilibriste où tout risque de se péter la gueule.

Le film a quand même fait effet sur moi. Les scènes comiques, qui reposent donc sur le manque de communication des différents personnages, sont assez grotesques pour être fendarde, sans être too much.
Et le film ne verse pas dans le cynisme absolu: le personnage de Christian n’est pas un anti-héros total, il essaie toujours de bien faire au fond. Même s’il fait des énormes bourdes tout le long du film.
Il est anti-héros malgré lui, c’est l’aliénation de son travail et surtout de son milieu qui l’ont rendu comme ça.

C’est un film comique au premier degré, à la limite d’une pièce de théâtre classique, optimiste, énonçant et dénonçant les dérives de la bourgeoisie.

Quant à la question de savoir si le film résistera à la postérité…
Ça dépendra de la carrière future de Ruben Östlund. S’il continue à marquer les esprits comme il l’a fait, son passage à Cannes sera l’équivalent du passage d’un Coppola avec son Conversation Secrète.

Parce qu’il ne s’agit pas ici d’un chef d’oeuvre, d’une pièce maîtresse et indépendante de la filmographie de son auteur.
Il s’agit d’un bel ouvrage qui n’aura de sens qu’en étant retenu dans la globalité de ce qu’aura fait Ruben Östlund.

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